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mardi 18 janvier 2011

Mon frère


Je dois à mon père de nous avoir initiés à la chasse, mes frères et moi, dès notre plus jeune âge. Très tôt, j’ai développé un très grand engouement pour cette activité. Mes jeux d’enfance furent teintés par la chasse et c’est surtout avec mon frère Jean, mon aîné de deux ans, que j’ai partagé tout ça. Mon frère Louis-Vincent, de quatre ans mon cadet, était… disons plus petit.

Jean et moi étions différents. Nos tempéraments étaient distincts et parfois même contraires. Au fil des années de notre enfance et de notre adolescence, nos relations étaient difficiles. Il était l’aîné et profitait sans vergogne de sa supériorité physique lors de nos affrontements. D’un tempérament très compétitif, j’étais considéré par lui comme « étant » la compétition. Que ce soit dans les sports, à l’école ou n’importe où, c’était la rivalité.

Je ne dis pas que c’était constamment la guerre à la maison, mais ce n’était pas la meilleure des relations, entre frères, qui soit. Avec le temps, je me suis forgé une carapace contre ses tentatives de me déstabiliser. Je me souviens qu’il critiquait vertement les tableaux animaliers que je peignais et se moquait de ma prétention d’être un artiste-peintre. Et moi, je continuais quand même sans m’en soucier.

Lorsque j’eus 12 ans et mon frère 14, mon père nous a fait suivre le cours de maniement des armes à feu en vue de nous initier à la chasse. Dans notre relation, ça a changé des choses. La chasse était  devenue – un terrain d’entente –. Mon frère est devenu mon partenaire de chasse inconditionnel.

Ensemble, nous avons écumé les rayons de la bibliothèque municipale pour lire tous les livres qui portaient sur la chasse. Puis nous avons eu un projet plus sérieux, celui d’avoir un chien de chasse. Mon père était neutre, ma mère résolument contre, mais sans attendre son accord, nous avons fait l’acquisition d’un chiot épagneul breton que nous avons appelé Pax. Un brave chien!

Pax a accaparé, positivement, beaucoup de notre énergie. Son dressage a demandé beaucoup de temps et d’apprentissage. Mais c’était notre chien, que nous avions payé avec notre argent! Quand, jeunes adultes, nous avons quitté la maison, Pax est devenu le compagnon de notre père et c’était très bien comme ça.

Pour revenir à la chasse, Jean et moi nous sommes initiés à la chasse de la sauvagine. Cette chasse n’était pas dans la culture familiale, mais dans la région de Québec, l’oie blanche était abondante. Tous deux avons été passionnés par ce type de chasse. L’été, nous fabriquions des appelants avec des têtes de bois et des sacs de plastique.

Quand mon frère a commencé à chasser avec ses propres amis, ça m’a fait quelque chose. J’ai bien chassé moi aussi avec des amis, mais jamais je n’ai eu un partenaire tel que mon frère.

En octobre 2001, un terrible accident arriva. Un de nos compagnons, Jonathan A[…], 28 ans et père d’une petite de 2 mois, est mort à la chasse aux oies sur la batture de Beaupré. Il s’était accidentellement placé devant son frère Mathieu A[…] alors que celui-ci faisait feu. Il est mort sur le coup. Une tragédie d’une tristesse incommensurable…

Cet incident peu banal a eu des remous. Jean et ses compagnons de chasse ont abandonné. Complètement dégoûtés, cela en était terminé de la chasse à la sauvagine pour eux qui étaient, pour la plupart, de nouveaux pères de famille. Parfois, les perspectives changent au fil du chemin.

Moi-même ai freiné mes ardeurs par rapport à la chasse. Je ne l’ai pas abandonnée, mais j’ai ralenti quelques années. Nous étions des adultes et mon frère n’était plus mon compagnon de chasse. De toute façon, son métier d’ingénieur forestier l’avait amené à Chibougamau, à plus de 500 kilomètres. Nous ne nous voyions plus très souvent à ce moment.

Lorsqu’il eut 32 ans, je me souviens, c’était le 1er juillet, une bosse lui est apparue à la base du cou. Ça a pris quelques mois avant qu’il ne reçoive un diagnostic peu réjouissant : un lymphome hodgkinien. Il a alors entrepris une vaillante lutte contre le cancer par des traitements difficiles. Une greffe de cellules souches fut envisagée, mais encore fallait-il un donneur. De ses trois frères et sœur, j’étais le seul à 100 % compatible. Cette greffe n’a jamais eu lieu. Son état de santé s’est détérioré à tel point qu’il est décédé à l’âge de 35 ans.

Quelques jours avant son décès, nous nous sommes parlé. Il m’a dit : « Tu sais, c’était beau la peinture que tu faisais... »

Pas une fois je ne vais à la chasse sans avoir une pensée pour mon frère. Il est mon partenaire de chasse inconditionnel pour la vie…
Jean L[...], 25 février 1974, 28 mars 2009 et Pax le bon chien.

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