Je me souviendrai longtemps de la journée d’ouverture de la chasse aux canards 2013. Et je ne serai pas le seul…
La chasse a toujours été ma passion et depuis quelques années, je chasse
avec beaucoup d’intensivité. Mes partenaires sauvaginiers sont des types de ma
trempe et j’imagine parfois que nous sommes durs à suivre. Nous sommes tous des
pères de famille trentenaires et j’entrevois qu’il nous faudra bientôt ralentir
la cadence pour pouvoir intégrer et intéresser nos enfants. Ce temps est venu
pour moi.
Au cours de la semaine précédente, j’avais lancé à ma fille Eugénie, 8
ans, que nous ferions une chasse aux canards, juste elle et moi. La veille de
la chasse, je quittai la maison à 5 h 30 en pleine noirceur afin de
trouver le meilleur endroit possible. Ce que je cherchais, c’était un petit
cours d’eau ou un étang avec quelques canards. Je me disais que si les canards
se faisaient rares, Eugénie apprécierait tout de même une chasse au bord de
l’eau pour le paysage automnal.
Au volant de ma voiture, je fis une tournée des endroits que je
connaissais. Les premiers sites visités étaient complètement déserts. Vers
7 h et sans trop d’attente, je repérai une quarantaine de canards qui
survolaient un champ de blé. Ceux-ci tournèrent quelques fois au-dessus dudit
champ avant de disparaître plus loin dans la forêt. Il devait s’y trouver un
étang de castor ou un truc du genre… Je n’arrivai pas à repérer où exactement
les canards avaient atterri. Qu’à cela ne tienne, ils avaient manifesté de
l’intérêt pour le champ, j’amènerais donc ma fille chasser au champ! Un beau
chemin carrossable le parcourait sur toute sa longueur. Facile! Ce serait
l’idéal pour y apporter un enfant.
Le soir, sa mère prépara ses vêtements, lui tressa les cheveux et la mit
au lit vers 20 h. J’allai la border en lui disant à tantôt! Quand j’entrai
à nouveau dans sa chambre à 4 h du matin, elle se réveilla avec le sourire
et démontra son enthousiasme en se levant prestement.
Trois quarts d’heure plus tard, nous arrivâmes au fameux champ dont
j’avais bien entendu obtenu la permission d’y chasser. Les phares de la voiture
le balayèrent et nous vîmes deux chevreuils qui se trouvaient tout au fond;
Eugénie fut impressionnée par cette vision. Je m’engageai tranquillement sur la
route et roulai environ 700 m.
Sur place, je notai qu’il y avait énormément de grains de blé résiduels
au sol, ce qui expliquait sans doute l’intérêt que les canards y portaient.
Nous installâmes les appelants et je positionnai les caches directement dans
les ornières du chemin. Il n’était pas question de se donner de la misère!
Un peu plus tard, nous allâmes porter la voiture au bord du champ et
nous marchâmes côte à côte pour revenir à notre site de chasse. Nous voyions
les étoiles et le ciel commençait à s’éclaircir à l’est. Eugénie se vit confier
la responsabilité d’actionner la télécommande du Mojo et de caller les canards
qui approcheraient. Elle s’installa dans la cache de droite et fit quelques
tests pour trouver la note juste (elle a de l’oreille et il ne sera pas
difficile d’en faire une bonne calleuse!).
Exactement 30 minutes avant le levé du soleil, nous entendîmes les coups
de feu de deux chasseurs qui devaient se trouver à un kilomètre de nous, au
bord de la rivière qui coulait non loin. Nous dûmes attendre une douzaine de
minutes avant d’apercevoir enfin des canards et ceux-ci se dirigèrent vers
nous.
Il y en avait trois. Leur intention de se poser était tellement
manifeste que je les laissai faire, pour le plaisir des yeux. Le premier se
posa à deux mètres de mes pieds tandis que les deux autres le firent à la
droite d’Eugénie, à quelques centimètres seulement. Je laissai passer quelques
instants pour profiter de la scène, puis annonçai à Eugénie que j’en
récolterais un. Quand je me levai, le canard en avant de moi s’envola et je le
récoltai. C’était un magnifique canard noir et je m’occupai moi-même de
récupérer puisqu’il n’était pas tout à fait mort; je ne souhaitais pas nécessairement
que ma fille en ait connaissance. Je l’achevai discrètement et revins le
montrer à Eugénie qui était bien contente.
Je me réinstallai dans ma cache. Nous discutions tranquillement de ce
qui venait de se passer, les capots des caches étaient ouverts quand deux
canards nous surprirent soudain par l’arrière. Sans hésiter, j’épaulai mon
fusil et fis un doublé. Cette fois, j’envoyai Eugénie les récupérer et quelle
fut ma surprise quand je constatai qu’il s’agissait d’un couple de canards
pilets. Une rareté pour la chasse au champ.
À peine quelques minutes plus tard, un troisième groupe de canards
arriva et je récoltai un second canard noir. J’avais décidé de ne tirer pas plus
d’un coup de feu par bande, sans quoi la chasse serait terminée trop
rapidement! Je dis alors à Eugénie que, puisque nous avions deux canards noirs
et deux canards pilets, les deux derniers seraient des canards malards.
Les canards étaient tellement abondants que je laissai passer quelques
groupes sans faire feu. Je récoltai finalement les deux canards malards qui
nous manquaient pour atteindre la limite légale de prise. Il était
7 h 01 quand cet objectif fut atteint. Pour la suite, je troquai mon
fusil pour la caméra et je pris quelques photos de canards en approche.
Même hors de nos caches, les canards tournoyaient tout autour sans
réellement craindre notre présence. C’était tout un spectacle. Avant de
ramasser notre installation, je fis quelques photos pour immortaliser ces
moments magiques. J’avertis ma fille de profiter de cette vision parce que ce
n’était pas toujours ainsi que les chasses se déroulaient!
Pour moi, cette chasse fait désormais partie de mon top 3. Tout
avait été parfait. Mais surtout, j’ai senti que ma fille avait beaucoup aimé
l’expérience et qu’elle serait une chasseuse pour la vie. Tous mes doutes se
sont envolés. En fait, j’estime n’avoir aucun mérite. J’ai seulement constaté
que cette première sortie avec elle avait réveillé quelque chose qu’elle avait
déjà en elle. Ma responsabilité de père ne se résume qu’à lui faire vivre de
belles chasses agréables et confortables. Le froid et la pluie, ça viendra,
mais ce n’est pas l’idéal pour un enfant!
Ce
fut pour moi une merveilleuse journée et un grand bonheur. Un moment fort de ma
vie de père. À mon grand regret, ma conjointe ne m’accompagne jamais la
chasse parce que ça ne l’intéresse pas dit-elle. C’est une fille de la ville.
Qui sait, peut-être voudra-t-elle m’accompagner quand nos deux enfants seront
des mordus de la chasse!