«Un
lièvre!»
Le
cri fut lancé de l’aile gauche de la battue. Paf! Paf! Silence… puis paf!
encore. Le lièvre, dont la blancheur immaculée contrastait fortement sur le
tapis de feuilles de la forêt, courait ventre à terre, évitant les coups de feu
des chasseurs qui avançaient parallèlement. Une bille avait pourtant dû
l’atteindre, mais sans gravité,
puisqu’il émettait des sons de détresse à l’occasion.
Sylvain
L[…] et moi formions l’aile droite. Devinant la trajectoire du lièvre aux gesticulations
bruyantes des autres membres de la battue, je fonçai au pas de course pour
intercepter le fuyard. Au bout d’une cinquantaine de mètres, je l’aperçu enfin
qui courait toujours, mais, pas de chance pour lui, j’avais eu le temps de
pointer mon calibre 20 et paf! Sa course s’arrêta là.
Depuis
le temps qu’on en parlait! Au bureau, il y a quelques gars qui chassent (le
petit gibier). Et lors de nos discussions viriles, nous avions plusieurs fois
fait le projet d’aller battre la campagne (disons la forêt!) à la poursuite des
lièvres une fois que ceux-ci seraient « blancs comme du lait », juste
avant les premières neiges. Il allait de soi que les filles du bureau, qui en
avaient ostensiblement marre de nous entendre pavoiser, n’étaient pas de la
partie!
Le
soleil brillait sans retenue en ce dimanche de la fin de novembre. Une journée
parfaite pour la chasse aux lièvres. Denis L[…], un collègue et ami, mais aussi
producteur laitier le reste du temps, nous avait invités à venir chasser sur
ses terres situées dans le petit village de St-Sé[…] en Beauce. L’heure du
rendez-vous avait posé problème en ce sens que la majorité souhaitait que nous
nous retrouvions vers 9 h 30, ce qui était beaucoup trop tard à mon
humble avis! C’est là qu’on reconnaît les vrais chasseurs! J’avais donc proposé
à Sylvain L[…] de faire à deux une «prébattue» à partir de 7 h en attendant
les autres!
Tandis
que Denis terminait sa besogne à l’étable, Sylvain et moi allâmes donc au fond
des pâturages où de petits îlots boisés pouvaient abriter quelques lièvres ou
perdrix. À peine avions-nous commencé notre marche que je vis une perdrix. Je
fis feu, mais la manquai malheureusement. Toutefois, par son vol, elle nous
guida vers un boisé d’aulnes et de ronces plus que favorable pour l’habitat du
lièvre. Après une heure à ratisser ce boisé, nous avions récolté deux lièvres
et il nous fallait rejoindre les autres sur un autre site non loin
Nous
retrouvâmes donc le groupe et sans trop tarder, nous commençâmes la chasse. La
battue était formée de sept chasseurs. Nous marchions à distance les un des
autres pour couvrir un maximum de terrain. Au terme de la matinée, nous avions
récolté deux autres lièvres ainsi que deux perdrix. S’en suivit une longue pose
où nous cassâmes la croûte tout en racontant des histoires avant de retourner chasser!
Revenons
au fuyard du début. Lorsque je confirmai la récolte de ce lièvre coriace,
l’énervement était à un tel point que tous quittèrent leur position pour venir
voir de visu l’animal que Sylvain avait cueilli de ses mains. La bonne humeur
était de la partie quand chacun racontait ce qu’il avait vu afin de
reconstituer la trame des dernières minutes! Et comme la conclusion de cette
conversation improvisée approchait, je tournai la tête et m’éloignai de deux
pas quand un autre lièvre, tapis dans les hautes herbes jaunies, s’élança vers
un bosquet d’aulnes. Paf! Je tirai, mais manquai ma cible. Mon coup de feu
avait cependant eu l’effet de stopper le lièvre, ce qui permit à Sylvain, venu
me rejoindre, de l’atteindre avec son calibre 12. Nous étions vraiment de
très bonne humeur!
Ce
fut la dernière récolte de cette belle journée. La chasse aux lièvres en battue
est une activité plus qu’amusante puisque pratiquée en groupe. Ça commande toutefois
la plus grande des prudences, mais lorsque tout se passe bien, les résultats
peuvent être étonnants!