Depuis mon expérience de chasse à l'orignal de l'an passé, je m'étais donné comme
objectif de réussir en 2013. Pour ce faire, croyez-moi, je n'ai pas ménagé mes
efforts et ma préparation. Ce fut sans hésiter que j’ai plongé dans cette
aventure puisque je suis un privilégier de la vie; mes parents possèdent un
bloc de forêt de 600 âcres. Un véritable
P A R A D I S pour l’orignal. On y trouve là une
érablière exploitée d’environ 8 000 entailles (qui n’occupent qu’une
petite portion du territoire total), une zone de dénudé humide, des forêts denses
de conifères et d’autres de forêt mixte. On y trouve aussi des plantations
d’épinettes et surtout un vaste bûché exécuté en 2011-2012 qui est un véritable
garde-manger et qui draine les orignaux du secteur. D’ailleurs, leur
concentration est phénoménale; on trouve des empreintes partout et en quantité
telle qu’il serait pratiquement impossible pour un chasseur de « partir »
sur une piste. Ça ferait baver d’envie n’importe quel chasseur d’orignal!
Et le
plus incroyable là-dedans, c’est que c’est chez nous!
Revenons
à la préparation dont je faisais mention. Depuis le printemps et à de
nombreuses reprises, je me suis rendu sur nos terres afin d’y aménager des
sentiers qui me permettraient de couvrir le territoire facilement, mais
également que les orignaux emprunteraient pour se déplacer. J’ai également
aménagé deux salines en plus de celle que mon père tenait depuis de nombreuses
années. Toujours pour augmenter mes chances, il me fallait chasser dans la
période du rut et ce n’est qu’avec un arc ou une arbalète qu’on peut le faire. Je
me suis donc entraîné avec mon arc en tirant quelque 2 000 flèches pendant
tout l’été (j’ai bien entendu suivi le cours de chasse à l’arc pour avoir mon
permis). Et pour accroître mes connaissances, j’ai lu sur le sujet de la chasse
à l’orignal, je me suis efforcé de maîtriser l’appel en pratiquant dans ma
voiture et j’ai regardé de nombreuses vidéos de chasse principalement sur YouTube.
L'avant-veille de la chasse, j'allai chercher de l'urine de jument en chaleur chez un agriculteur qui m'avait offert de la récolter (Dieu merci!). Sa jument était tout ce qu'il y a de plus en chaleur, je ne pouvais trouver mieux dans aucun commerce.
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Elle était tout ce qu'il y a de plus en chaleur! |
Puisqu’il
fallait être deux chasseurs qui font équipe pour pouvoir récolter un orignal,
mon partenaire pour l’occasion fut mon ami Sylvain L[…]. Mon père, qui n’a pas
suivi le cours de chasse à l’arc ou l’arbalète, ne pouvait être de la partie.
28 septembre – jour 1
Nous
partîmes du chalet à 5 h 15. Il fallait compter 35 minutes pour nous
rendre sur place. Le ciel était étoilé et la température était de 4 °C.
Dans le plus grand des silences, nous allâmes nous poster, moi à la vieille
saline et Sylvain dans un vieux chemin forestier. Outre les empreintes au sol,
il n’y eut aucun signe d’orignaux. Vers 8 h 30, je retrouvai Sylvain.
En marchant tranquillement, je lançai quelques appels de femelles en œstrus. Je
n’obtins pas de réponses. Vers 10 h, la température était vraiment trop
chaude (>20 °C) pour espérer voir un orignal en déplacement. Comme
c’était la première journée et que cette température devait perdurer toute la
semaine, nous convînmes d’arpenter le territoire afin de savoir où se cachent
les orignaux par une telle chaleur.
À 14 h,
nous finîmes par voir un orignal mâle dans une cédrière ombragée. Trop loin
pour tenter un tir, nous l’avons vu se
détourner et fuir tranquillement dans les broussailles. Il était couché sur le
sentier et s’était levé pour venir à notre rencontre quand il nous avait
entendus. Il était couché sur un lit de mousse (l’eau nous montait à la
cheville quand nous y marchâmes). Il se tenait au frais!
De
retour à la voiture vers 16h, je demandai à Sylvain de retourner au chalet et
de laisser tomber la chasse du soir; j’étais vanné et les filles nous
attendaient là-bas avec les enfants. Ce fut une agréable soirée.
29 septembre – jour 2
Au
petit matin, nous décidâmes de chasser ensemble dans un dénudé humide, non loin
de l’endroit où nous avions aperçu le mâle de la veille. Il y avait un nombre incroyable de couches d'orignaux dans les hautes herbes. À la barre du jour, je
lançai plusieurs appels de femelle orignal en œstrus. Le paysage était vraiment
superbe et y voir un orignal ne nous aurait pas surpris le moins du monde.
Cependant, il fallait croire que mes appels n’étaient pas entendus, car nous
n’obtînmes aucune réponse.
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Exemple de couche dans les hautes herbes. |
Cette
fois, il ne fut pas question de passer la journée sur place. Nous retournâmes
au chalet dîner avec nos familles. Comme on était dimanche, les filles s’en
retournèrent, nous laissant l’opportunité de siester tranquillement pendant
l’après-midi. Cela me fit le plus grand bien et ce fut dans un très bon état
d’esprit que nous retournâmes en forêt pour la chasse du soir.
Pour
maximiser nos chances, nous nous séparâmes; Sylvain irait surveiller le bûché
nouveau tandis que je suivrais un vieux chemin forestier qui descendait (vers
la fraîcheur!)
Vers 17 h 20,
je fis une séance d’appel. J’écoutai attentivement dans l’espoir d’entendre une
réponse. Rien. Au bout de quelques minutes, je repris ma marche et ce fut à ce
moment que j’aperçus l’arrière-train d’un orignal (probablement une femelle)
qui prenait la fuite à environ 65 m de moi. Bon, c’était encourageant
malgré tout.
La
fraîcheur du soir tombait tranquillement sur la forêt. Contemplatif, j’admirais
les couleurs de l’automne en respirant l’air pur. Un gros oiseau gris vint se
percher non loin. Une chouette rayée! En voyant bouger mes mains, elle vint se
percher juste en haut de moi; un spectacle rare s’il en est un, j’avais
beaucoup de chance d’observer cette scène.
Sylvain,
de son côté, ne vivait pas les mêmes émotions que moi.
Alors
qu’il était à l’affut sur la route, il avait aperçu deux veaux orignal qui
paissaient le long des andains de branches au fond du bûché. Aussitôt, il avait
entrepris une approche. Une carabine aurait mis fin à la chasse, mais l’arc a
ses exigences de proximité! Se faisant passer pour un autre veau orignal, il parcourut
environ 200 m jusqu’à être à portée de flèche (environ 35m). Il banda son
arc et décocha. À l’entraînement, nous maîtrisions avec constance les tirs à
une telle distance. Hélas! Sylvain rata. La flèche piqua l’os de la hanche et
retomba presque aussitôt de l’animal. Heureusement, la blessure fut sans doute
mineure.
Que
s’était-il passé? Nervosité, vêtements amples, mauvaise décoche? Nous ne le
saurons jamais, mais ce genre de choses arrivent même à un archer aguerri tel
que Sylvain.
Sylvain revint sur la route en se demandant s’il
fallait « suivre » le sang. Tout à sa déception, une énorme femelle
choisit ce moment pour sortir dans le bûché à une trentaine de mètres de lui.
En chasseur responsable, il prit la décision de ne pas tirer sur un second
orignal et laissa passer cette occasion en or.
Dans
la voiture, nous parlâmes peu. Nous étions déçus, mais à tort. Le tir manqué
aurait pu arriver à n’importe qui. Nous avions besoin de sommeil…
30 septembre – jour 3
La
troisième journée fut une réplique de la seconde, l’action en moins. Aucun
orignal ne se montra le bout du nez. En soirée, de retour au chalet, notre
moral était au plus bas puisqu’il ne restait qu’une dernière matinée à notre
séjour de chasse.
1er octobre – jour 4
En
roulant dans la nuit, j’écoutai pour la énième fois le CD de Michel Breton sur
les techniques d’appel de l’orignal. Je notai cependant un détail qui ne
m’avait pas accroché auparavant. Michel Breton insistait le fait que les appels
devaient toujours être lancés à partir d’un site nourricier. J’en fis part à
Sylvain qui me répondit : « Justement c’est ça qu’on va faire ce
matin ». Nous avions convenu de chasser dans le bûché.
C’était
devenu une routine. En stationnant la voiture, j’attachais mon sac de taille,
installais mon déclencheur prenais mon arc et fixais le carquois. En une
minute, j’étais prêt à chasser. Nous partîmes à 6 h en marchant
tranquillement sur la route qui longeait le bûché. À peine avions-nous parcouru 100 m depuis
la voiture qu’un son de femelle orignal nous parvint du fond du bûché, sur
notre gauche. Nous n’avons pas de doute…
Je donnais un coup de coude à Sylvain pour lui faire signe de faire demi-tour;
un sentier large et bien dégagé de 200m traversait un rond de feuillus matures avant
d’aboutir au bûché lui-même. Nous nous y engageâmes silencieusement avec un
vent de face. Tout était parfait!
Arrivés de l’autre côté, avant de sortir à découvert, nous tendîmes
l’oreille. C’était subtil, mais il nous semblait entendre au loin des
bruissements de pas, quelques brindilles qu’on cassait, un panache qui glissait
sur une branche…
Après une minute ou deux, je lançai un premier appel de femelle en œstrus.
Et aussitôt, WAAARRF! Un
rot de guerre! Les cheveux nous dressèrent sur la tête! (Quand j’ai voulu
reproduire ce son à Sophie, une fois de retour à la maison, mon petit garçon de
4 ans a fondu en larme tant il était terrifié!)
Revenons à l’histoire. Une femelle orignal parut aussitôt en marchant
rapidement vers nous avant de s’immobiliser à environ 100m. Puis nous vîmes le
buck qui la dépassa et qui s’arrêta à 70 m environ. Il prêta le flanc
pendant quelques instants. Je lançai un nouvel appel de femelle et obtins
encore une fois le rot de guerre en guise de réponse. Quel animal gigantesque!
Je fis signe à Sylvain d’utiliser la corne d’orignal à notre disposition
pour faire du « rattling » afin de provoquer le mâle et le faire
approcher davantage.
Nous n’avons pas passé le test. Les orignaux s’en allèrent calmement.
Une mauvaise communication entre nous et des erreurs de débutants. Tout était
allé si vite…
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Faible luminosité, stress et zoom déployé. Désolé pour la mauvaise photo, mais c'est la seule que je me suis autorisé à prendre! |
Sur le coup, nous étions très déçus. Mais d’un autre côté et avec un peu
de recul, ce fut un contact extrêmement privilégié avec les orignaux et une
méchante décharge d’adrénaline! De retour à la maison, je me questionnai sur la
réponse inhabituelle, le rot de guerre, que nous avions entendue. En
questionnant mes pairs sur le forum de chasse, on m’apprit que ce son provenait
en fait de la femelle qui était jalouse de son mâle. Si j’avais su cette
information, je n’aurais pas fait signe à Sylvain de faire du rattling… On ne
pouvait revenir en arrière, ce qui était fait était fait. Ne restait plus qu’à
retenir la leçon au cas où une telle situation venait qu’à se reproduire.
En résumé, nous sommes revenus bredouilles de notre séjour de chasse. À
chasser avec un arc, le niveau de difficulté fut maximal. Le bilan est somme
toute positif avec 7 orignaux aperçus. Peu de chasseurs peuvent en dire autant.
Restera la saison de chasse à la carabine qui commencera le 12 octobre
prochain. C’est à suivre!