Une drôle
d’histoire que celle-ci!
Le 19 février
2013, j’allai chasser le coyote pour la 26e fois de la saison. Plus
tôt au cours de la semaine, j’avais trouvé un nouveau site extrêmement
prometteur, mais le vent d’ouest, même léger, de ce matin-là n’y était pas
favorable. Et puisque la veille j’avais invité mon ami Ian T[…] à
m’accompagner, il me fallait obligatoirement un « plan B ». Bon! J’avais
bien quelques sites avec du potentiel en réserve. Je lui avais donc donné rendez-vous
à 5 h 25.
Une fois rendus à
la ferme et avec mille précautions, nous entamâmes notre approche. La neige
était croûtée et rendait hélas nos pas très bruyants. Mais bon, la stratégie
que j’avais établie consistait à nous mettre à l’affut dans une série de tas de
terre situés à seulement 300m des bâtiments agricoles. Il fallait espérer que le
son de nos pas n’atteindrait pas la forêt située au fond du champ…
Ian s’embusqua
entre deux monticules de terre tandis que j’allai installer le FoxPro et la
moumoute Mojo. Quand je fus parvenu à 80m, je disposai le tout quand soudain, j’aperçus
un coyote en maraude quelque 700m plus loin dans le champ. Du coup, mon cœur se
mit à cogner fort dans ma poitrine. Que convenait-il de faire? Je n’étais pas
prêt et je craignais de me faire déceler; et couper le contact visuel pour battre
en retraite me stressait au plus au point…
Je revins tout
de même rapidement vers Ian et lui chuchotai : « Y’a un coyote
là-bas! » Comme il ne semblait pas réagir, je lui signifiai qu’il
conviendrait peut-être de se tourner et de s’installer en position de tir dans
la direction que je lui désignais, ce qu’il fit sans trop avoir l’air de me
croire! Pendant ce temps, je m’étais installé à ses côtés et j’avais déployé le
bipode de ma carabine. Maladroitement, je saisis ma télécommande FoxPro et
tâchai d’envoyer un son. N’importe lequel, mais il fallait que ça sorte!
J’étais très nerveux à ce moment…
Dès que le son
du lièvre en détresse (« Dying Jack ») se fit entendre, Ian me chuchota :
« OK, je le vois. Il s’en vient à grand’course. » Je fis taire le
FoxPro et alignai ma carabine sur le coyote qui s’amenait rapidement. Parvenu à
environ 100m, il s’arrêta net et s’assit, observant le curieux dispositif. La
croix de mon télescope était alignée sur son poitrail… mon doigt pressait
tranquillement la gâchette… puis je me ravisai : « Ian, tire
donc! » Moi, j’avais déjà quelques coyotes à mon palmarès. Pourquoi ne pas
faire plaisir à un ami!?
POUF! Ian tira
et le coyote tomba raide mort. Inutile de dire que mon partenaire était très
content de son premier coyote à vie! Avant qu’il ne manifeste le désir d’aller
quérir sa prise, je lui indiquai qu’il y avait maintenant une douille vide dans
la chambre de sa carabine… Il réarma et sécurisa son arme.
Nous nous congratulâmes
brièvement et j’invitai Ian à reprendre la chasse; peut-être ce coyote
n’était-il pas seul dans les environs... J’envoyai, à bon volume, le son du
coyote en détresse (« Coyote death cry »). Environ 5 minutes
passèrent lorsque Ian me chuchota : « OK, y’en a un de mon côté le
long de la forêt. » Et cette lisière devait se trouver à au moins 600m. Je
fis taire le FoxPro. Ce coyote avait une coloration très pâle qui contrastait avec
le couvert forestier, nous permettant de le distinguer aisément malgré la
distance.
Le nouveau-venu s’engagea
dans le champ sans toutefois réduire la distance entre nous. J’envoyai
« Dying jack » pour 30 secondes, sans effet. J’envoyai « Coyote
pup distress », sans effet. J’envoyai « Screaming gray fox »,
sans effet. J’envoyai « Freaky squeak », sans effet… Le coyote
s’asseyait, urinait parfois, jappait à l’occasion (« Challenge
bark »), mais il n’approchait pas. Ce n’était pas bon signe! « Qu’est-ce
qui se passe? Pourquoi ne vient-il pas? » me demandais-je, perplexe…
Je réfléchis à
toute allure. Comment le faire venir? Je repassai en mémoire toutes mes
connaissances théoriques et ce fut ainsi que j’eus l’idée d’employer mon appeau
à bouche « Primo’s Hot Dog ». Je fis d’abord un hurlement
d’invitation. Aussitôt, le coyote eut une réaction qui nous sembla positive.
Hélas! Après quelques hésitations, il fit plutôt demi-tour et retourna dans la
forêt au pas de course. Ian me chuchota : « Nooooon! On l’a
perdu! » De mon côté, je ne m’inquiétais pas trop puisque je me doutais
que le coyote tenterait une manœuvre de contournement pour prendre le vent. Seulement,
pour nous prendre à revers, il allait devoir à nouveau sortir en plein champ.
Notre embuscade était parfaite!
Il reparut, vingt
secondes plus tard, exactement là où je m’y attendais. Je refis un hurlement.
Cela eut pour effet de le faire approcher encore un peu, mais il était
ostensiblement méfiant. Je me disais alors que nous n’aurions d’autres choix
que de tenter un tir à longue portée et mieux valait savoir avec précision à
quelle distance nous nous trouvions.
– Ian? Sors
ton télémètre.
– Non! il
va me voir bouger.
– T’inquiète
pas! Bouge lentement, il est trop loin pour nous voir.
– …
– 255
mètres.
– Impossible!
Il est beaucoup plus loin que ça!
Ian aussi était
nerveux, le télémètre tremblait dans sa main… Le coyote approcha encore un peu
et je rappelai à Ian de ne pas oublier d’enlever le cran de sûreté. Le
dénouement était imminent.
La chasse était
sur le point d’atteindre son paroxysme lors de l’approche finale, le coyote
était à environ 300m, quand tout à coup : POUF!
Ian avait tiré
sans m'avertir! « F[…]ck, j’ai accroché la gâchette! C’est donc ben sensible
c’t’affaire-là! » Dit-il, penaud. Il venait de commettre une faute grave…
et de surcroît un manquement important à la sécurité. J’étais à ce point
concentré sur le coyote que je ne réalisai pas la gravité de la faute. Je
n’avais pas le temps d’en vouloir à Ian, tout ce que je voyais, c’était le
risque de manquer notre chasse…
Le coyote avait
évidemment prit la poudre d’escampette. Fort heureusement, il s’arrêta après un
sprint d’environ 100m, me donnant ainsi ma chance. J’avais estimé à l’œil la
distance à 350m. Je n’avais jamais tiré à cette distance avec ma 204 ruger.
« Bouche tes oreilles… » Dis-je à Ian. Je compensai en visant un peu
plus haut et POUF! Je laissai partir le coup. Vu le faible recul de ce calibre,
je vis, à travers ma lunette d’approche, le coyote qui culbuta
spectaculairement et qui bascula hors de notre vue dans une légère dépression.
(un « headshot » à 383m après vérification avec le télémètre). Ian
lui n’avait rien vu de la scène tant il était mal à l’aise… Moi, j’avais du mal
à croire à ce qui venait de se produire!
– Hey! On a
réussi un doublé! Dis-je, soulagé, à Ian qui était complètement abasourdi
par sa bourde.
– QUOOOOI!?
Tu l’as eu?
– T’as pas
vu? Ben oui, je l’ai bien eu!
– Taaabouère!
Y’était loin!
– Ouin, pis
ça va nous faire une belle histoire de chasse à raconter! Lui dis-je d’un ton
moqueur.
Notez ici que je
pourrais me vanter d’un tel tir, mais j’admets avoir eu un peu de chance! Je
visais bien sûr le poitrail; mais fort heureusement, sa tête était retournée
vers nous. Autrement, la balle serait passée trop haute. J’étais impressionné
par la trajectoire plane de ce calibre parfois critiqué pour la chasse aux
coyotes (certains disent que ça manque de puissance pour tuer proprement un tel
animal).
Cette fois, nous
nous congratulâmes bruyamment, la chasse était terminée. Ian était hyper
heureux d’avoir récolté son premier coyote à vie et moi, j’étais très fier de
mon tir. D’une humeur on ne peut plus joyeuse, nous allâmes récupérer nos
prises. Le temps pour moi d’aller chercher le second coyote, qu’Ian avait déjà
publié la nouvelle sur Facebook!!!
J’installai ma caméra sur le trépied du FoxPro afin d’immortaliser ce magnifique
tableau de chasse sur photos.
Tout était bien
qui finissait bien. Cette histoire s’était déroulée sur une période d’une
trentaine de minutes. J’avais réussi à trouver rapidement une solution pour
faire approcher un coyote méfiant grâce à mon appeau à bouche, j’avais réussi
un tir de récupération sur une très longue distance, j’avais fait plaisir à un
ami et j’avais réussi à faire un doublé! Ian, quant à lui, a appris que l’index
ne doit pas traîner sur la gâchette en attendant un bon positionnement de
l’animal; on place le doigt là seulement pour y faire feu. Son erreur n’a
finalement pas eu de conséquences, mais ça aurait pu s’avérer dangereux…
Mon fils de 3½
ans me dit parfois, pour me faire plaisir je le sais bien, que je suis
« un-vraiment-bon-chasseur »! C’était plutôt drôle, mais ce matin-là,
je me disais moi-même que j’avais été « un-vraiment-bon-chasseur »!