L’an
passé, j’écrivais qu’on a tous sa kryptonite et que le dindon sauvage était la
mienne. Cette année, ça s’est passé différemment et j’ai entrevu brièvement
l’étendue des connaissances et des habiletés nécessaires pour cette chasse fascinante. Il
me reste énormément à apprendre, mais j’ai le pied dans l’entrebâillement de la
porte. J’ai enfin réussi… Voici mon récit:
Pour
une 4e année consécutive, j’avais acheté le permis de chasse au
dindon sauvage. Et cette fois, il n’était pas question de répéter les erreurs
passées. J’avais abordé cette saison de chasse avec une toute nouvelle
approche. D’abord, un changement de territoire s’imposait; en Estrie, la
pression de chasse s’était accrue considérablement. J’avais donc décidé de
choisir une région où la population de dindons était certes moins forte, mais
où j’aurais les coudées franches. Dès le mois de janvier, je contactai
plusieurs agriculteurs afin d’obtenir des permissions de chasser sur leurs terres.
Aucun ne me les refusa.
Une
semaine avant l’ouverture de la chasse, n’y tenant plus, je me rendis sur place
afin de prospecter et d’observer les mouvements du gibier. Ce fut un voyage
décevant. Je ne vis rien là où on m’avait pourtant assurer qu’il y en avait...
La semaine passa lentement et j’étais angoissé. Comme l’ouverture avait lieu le
vendredi suivant, je retournai prospecter le jeudi matin avant le travail. Mon
patron m’avait accordé la permission de travailler à notre bureau satellite, ce
qui réduisait un peu la route à parcourir.
Sur
place à 5 h 15, je repérai un gros mâle chanteur dans une petite
prairie. Ma motivation revint instantanément! Je le pris en photo discrètement
puis m’éclipsai afin de ne pas l’alarmer inutilement. J’avais un plan de match
pour le lendemain! D’excellente humeur, je m’en allai travailler tout en
scrutant le fond des champs si jamais des fois…
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« ... je repérai un gros mâle chanteur dans une petite praire. » |
Chemin
faisant, j’aperçus, de façon fugace, un dindon très loin dans un champ. En
pensant me doter d’un plan de rechange, je notai l’endroit et appelai les
propriétaires sur l’heure du dîner.
–
Bonjour Mme T[…], je me présente, Thierry L[...], je souhaitais savoir s’il
serait possible de chasser le dindon sauvage…
[…]
–
Oui, il y en a là-bas, mais nous avons un autre site où il y a 5 ou 6 dindons qui
viennent gratter dans notre silo fosse, tu n’as qu’à venir et je te montrerai
l’endroit.
–
Eh! Oui, merci beaucoup!
Que
dire de plus? Mon plan B était devenu un super plan A! Après la journée au
bureau, je retrouvai mon partenaire de chasse pour l’occasion, Jean V[…], et
lui fis part de mes dernières démarches ce qui le réjouit bien entendu. En
voiture, je suivis les indications fournies par l’agricultrice. Tandis que je
roulais sur un chemin de terre, je dus freiner brusquement pour éviter quatre
dindes qui traversaient tranquillement la route! En regardant un peu plus loin,
je vis l’adresse et c’était pile là où je me rendais. La chasse allait être
bonne!
Jean
et moi allâmes marcher sur les terres afin de prendre connaissance des lieux.
Tout en marchant, nous discutions trappage des animaux à fourrure et, vers 19 h 20,
nous eûmes la chance d’apercevoir trois dindons prendre leur envol et se
percher dans les conifères pour la nuit. La chasse serait définitivement bonne
le lendemain matin!
Tandis que la soirée
s’achevait et que la noirceur s’installait, nous convînmes d’une approche pour
nous cacher un peu en retrait de là où nous croyions que les dindons
paraîtraient. Vers 21 h, nous allâmes nous coucher, Jean dans son camion et
moi dans ma tente. Je dormis bien dans ma tente.
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« ... je dormis ben dans ma tente. » |
Après une
courte nuit en plein air, nous étions au poste vers 4 h 55. Le jour
pointait à l’horizon et déjà un mâle chanteur faisait entendre son
« glouglou », ce qui nous laissait présager le meilleur. De là où
nous étions, notre champ de vision était limité à environ une quarantaine de
mètres avec très peu d’angle. Sur notre droite se trouvait les structures de
ciment du silo fosse. En face, une plantation d’épinettes qui longeait toute la
terre. Et sur notre gauche, un button garni d’épinettes, de broussailles et de
fardoches. Le dortoir des dindons se trouvait de ce côté à environ 150m.
Il faisait
très sombre sous les épinettes, mais au bout de quelques minutes, j’aperçus soudainement
une dinde qui y passa à toute allure. Jean ne l’avait pas vue. Par crainte de
voir les autres faire la même chose, je me déplaçai de l’autre côté du silo
fosse en laissant mon partenaire sur place. Je me cachai dans la première
rangée d’épinettes. Comme ça, je couperais assurément leur route. En nous
séparant, nos chances me semblaient meilleures.
Quinze minutes
passèrent, avant que je n’entende une femelle glousser de très proche. Puis
j’entendis des bruissements dans les broussailles. Ils arrivaient du côté du
button. Je vis d’abord trois femelles descendre juste devant Jean. Et encore 3
ou 4 autres arriver au même endroit par la plantation. Puis je LE vis. Un mâle
énorme, le maître du harem, le boss de la place! Il paradait, superbe, devant
toutes les femelles rassemblées. « Tire Jean, tire! » me dis-je en
moi même. Après quelques minutes qui me parurent interminables… « POUF! »
Toutes les femelles décampèrent tandis que le mâle resta sur place, foudroyé. Je
retrouvai l’heureux tireur à côté de sa prise. Quel oiseau formidable! Un gros
mâle mature d’au moins 3 ans. Jean m’expliqua qu’il avait mis du temps à tirer
parce que des femelles se trouvaient sans cesse dans sa ligne de tir.
Mon compagnon
apposa le coupon de transport de son permis à la patte de sa prise et profitâmes
des premières lueurs du jour pour aller faire quelques photos sur un site plus
photogénique qu’un bord de silo fosse!
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Jean V[...] qui transporte son dindon... |
Nous étions
contents, mais il nous semblait que cette chasse n’avait pas été… disons des
plus sportives. C’était plutôt de l’opportunisme, bien que cela fasse aussi partie
de la chasse. Comme nous avions la possibilité d’en récolter un second, nous prîmes
la route vers les autres sites de chasse. Vers 8 h 15, nous
repérâmes, au fond d’un champ, trois dindons; deux femelles et un gros tom (mâle
de 2 ans et plus). Une petite plantation d’arbre de Noël (une dizaine de rangs
tout au plus) bordait ce champ et nous tentâmes une approche de ce côté.
Une fois parvenus
au point le plus près, nous nous trouvions à au moins 300m des oiseaux. Je m’installai
dans l’ombre d’un petit sapin et entrepris d’appeler en lançant quelques
« yelp » avec la boîte à dinde. Comme je m’y attendais, le gros tom
n’eut aucune réaction tant il était concentré à séduire les deux femelles qu’il
accompagnait. Pour leur part, les dindes ne semblaient aucunement intéressées
par ses avances!
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3½ po, 2¼ oz, grenailles 5-6-7 |
Après une
demi-heure, les femelles entrèrent dans la forêt, probablement pour regagner
leur site de nidification. Le tom leur emboîta le pas. Je ne voyais plus rien,
mais j’espérais que le mâle se remette à la recherche de nouvelle femelle à
courtiser. Je savais qu’il avait entendu mes appels et j’espérais qu’il s’en
souviendrait. Environ 20 minutes plus tard, il reparut subitement à 100m et
marcha sans parader vers moi en longeant la lisière. Mon cœur cognait fort à ce
moment. Parvenu à 30m, il s’arrêta et évalua la situation nerveusement. J’avais
commencé à épauler très tranquillement mon fusil. Il devait se douter de
quelque chose puisqu’il se tourna lentement vers la forêt, comme s’il voulait
se préparer à prendre la fuite. « POUF! »
La douleur
envahit immédiatement mon épaule, mais je n’en avais cure. Mon premier dindon
sauvage était à terre! Après trois ans d’échec et plusieurs années auparavant à
rêver de ce gibier, j’avais enfin réussi à en récolter un. Ma joie était
immense!
Quelques jours
plus tard, j’accompagnai un autre partenaire de chasse en lui servant de guide.
Cette fois, deux « jakes » vinrent à nos appels et nous en
récoltèrent un.
Le taux de
succès pour cette chasse est de 30 à 35%. Pour moi, 2013 fut un succès sur
toute la ligne. Ma nouvelle approche a porté fruit. J’ai terriblement hâte à
l’an prochain! Cette chasse a mis un terme à ma saison 2012-2013. De quoi finir en beauté! J'aime bien la chasse, mais je suis content d'être en vacances!
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Une image vaut mille mots! |
Note
pour ceux qui souhaiteraient savoir comment j’arrive à distinguer un mâle de
deux ans versus un mâle de 3 ans ou plus. Comme la barbe des mâles de 2 ans
« vient » de pousser, le premier 30% à la base de la barbe est plus
clair, la mélanine qui pigmente les poils est moins présente à cet endroit. Les
mâles matures de 3 ans et plus ont la barbe foncée sur toute la longueur. Et la
longueur de la barbe ne permet pas de distinguer l’âge puisqu’à 8-10 pouces (20-25 cm),
la barbe frotte sur le sol et s’use.
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Barbe d'un mâle d'au moins 3 ans |